Une autre mondialisation
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Créé par sr07 le 03 nov 2012 | Dans : Monde arabe, Proche et Moyen-Orient, Une autre mondialisation
Voir aussi : http://www.wsfpalestine.net/
La Palestine occupée fait partie de chaque battement de cœur libre dans ce monde et sa cause continue à inspirer solidarité autour du monde. Le Forum Social Mondial Palestine Libre est une expression de l’instinct humain de s’unir pour la justice et la liberté et aussi un écho de l’opposition du Forum Social Mondial à l’hégémonie néolibérale,
Le FSM Palestine Libre sera une rencontre globale avec des mobilisations de large base populaire et de la société civile du monde entier. Il vise à :
1. Montrer la force de la solidarité avec les appels du peuple palestinien et la diversité des initiatives et actions visant à promouvoir la justice et la paix dans la région.
2. Créer des mesures efficaces pour assurer l’autodétermination des Palestiniens, la création d’un État palestinien avec Jérusalem comme capitale et le respect des droits de l’homme et du droit international,
en :
a) Mettant fin à l’occupation israélienne et à la colonisation de toutes les terres Arabes et démanteler le Mur ;
b) Garantissant les droits fondamentaux des citoyens arabo-palestiniens d’Israël à une égalité pleine, et
c) La mise en œuvre, la protection et la promotion des droits des réfugiés palestiniens de revenir dans leurs maisons et récupérer leur propriétés comme le stipule la résolution 194 des Nations Unies.
3. Être un espace de discussion, d’échange d’idées, d’élaboration de stratégies et de planification pour améliorer la structure de la solidarité.
Exactement soixante-cinq ans après la présidence du Brésil de la session de l’Assemblée générale où fut convenue la partition de la Palestine, le Brésil va être maintenant l’hôte d’un tout différent type de forum mondial : une opportunité historique pour des personnes venues du monde entier de résister là où les gouvernements ont échoué. Les peuples du monde vont se réunir pour discuter de nouvelles visions et des actions efficaces pour contribuer à la justice et la paix dans la région.
La participation à ce forum renforcera structurellement la solidarité avec la Palestine, promouvra les actions à fin d’implémenter les droits légitimes du peuple palestinien, et assujettir Israël et ses alliés responsables au droit international.
Nous faisons appel à toutes les organisations, mouvements, réseaux, et syndicats du monde entier à se joindre au FSM Palestine Libre du 28 novembre au 1er décembre 2012 à Porto Alegre, Brésil.
Ensemble nous pouvons augmenter la solidarité mondiale avec la Palestine à un nouveau niveau.
Comité Organisateur du FSM Palestine Libre
La page facebook : http://www.facebook.com/pages/Forum…
Créé par sr07 le 15 sept 2012 | Dans : Articles de fond, Une autre mondialisation
- Les commentateurs ont souligné à maintes reprises l’abandon de l’accent « gaullo-mitterrando-chiraquien » dans la diplomatie mise en œuvre par Nicolas Sarkozy : usage du tutoiement avec les dignitaires étrangers, nomination d’ambassadeurs « jeunes et dynamiques », etc. Sans assumer totalement la familiarité décomplexée de l’ancien président, Laurent Fabius poursuit néanmoins, par son propos, l’entreprise de vulgarisation de notre politique étrangère amorcée en 2007. Si l’intention peut paraître louable à certains égards, le registre « affectif et personnifié » ne saurait pour autant se substituer à celui « solennel et impersonnel » d’un homme d’Etat s’exprimant au nom de la France.
- Le style présidentiel de Nicolas Sarkozy a été largement documenté, parfois jusqu’à la caricature. En revanche, la rupture conceptuelle qu’il a incarnée dans la politique extérieure de la France a été peu analysée ou réduite à son seul « dessein atlantiste ». La crise syrienne constitue pourtant le révélateur d’un rapprochement de fond avec la mouvance néo-conservatrice américaine. Il n’est pas inutile d’en rappeler les trois traits caractéristiques, qui sont autant d’entorses à notre tradition diplomatique :
- une lecture manichéenne du monde. Postulat idéologique de l’administration Bush, la croyance en un camp du Bien opposé à un axe du Mal n’a jamais été convoquée avec autant d’entrain par la France qu’au cours des derniers mois. Tour à tour, « la prolifération nucléaire » et « l’arc chiite (Iran-Syrie-Hezbollah) » ont intégré l’imaginaire et le lexique de nos diplomates comme « la nébuleuse terroriste » et « les armes de destruction massive » avaient animé, hier, la pensée néoconservatrice américaine et ses relais d’opinion en Europe.
- l’unilatéralisme comme alternative au dialogue. L’administration Bush avait longuement cherché le soutien du Conseil de Sécurité pour intervenir en Irak, avant de finalement suivre le mot de Madeleine Albright : » e multilatéralisme quand nous le pouvons, l’unilatéralisme quand nous le devons ». Lorsque François Hollande évoque à son tour, devant les ambassadeurs, un recours à la force pour pallier à l’inertie des Nations Unies en Syrie, il ouvre une brèche inédite dans notre doctrine multilatérale. Or, nos moyens d’agir sans mandat onusien ne sont en rien comparables à ceux mobilisés par les Etats-Unis en 2003. Le renoncement de la France à toute solution négociée en Syrie en est d’autant plus discutable.
- l’interventionnisme érigé en principe. La « destinée universelle » de la France n’est pas une prétention nouvelle de nos décideurs, elle constitue même le charme singulier de notre voix diplomatique. En revanche, l’ingérence dans les affaires intérieures d’Etats éloignés est un modus operandi récent de notre politique extérieure. Laisser croire que la Syrie appartient au pré-carré stratégique du « gendarme français », au même titre que le Maghreb ou le golfe de Guinée, est, sinon un mirage, à tout le moins une erreur : la Turquie, l’Iran, la Russie ou encore la Chine ont depuis longtemps remplacé la France comme acteurs qui comptent en Syrie. Or, l’asymétrie entre les prises de position radicales de notre diplomatie ( » Bachar doit partir « ) et la capacité réelle de notre pays à peser sur le cours des événements affaiblit notre parole, sans apporter de solutions pertinentes aux crises qui frappent le monde.
Comprendre les facteurs de ce revirement idéologique pour prévenir ses dérives…
- Le facteur médiatique. L’urgence de l’agenda politique conduit nos responsables à privilégier des annonces improvisées mais rapides à des décisions réfléchies et concertées. En Syrie, ce marketing diplomatique est illustré par l’accoutumance de nos diplomates pour les sanctions économiques : censées prouver que la France agit, ces sanctions ont surtout fait montre de leur inefficacité à modifier le rapport de force sur le terrain tout en générant un coût significatif pour nos entreprises. La défense des intérêts de notre pays exige que la sincérité et le discernement priment la pensée « bullet points » qui domine actuellement.
- Le facteur socioéconomique. Doit-on s’étonner que les décideurs étrangers que la Sorbonne ou Sciences Po formaient autrefois (Boutros Ghali, Mossadegh, etc.) désertent à présent notre système universitaire pour lui préférer les prestigieux et richement dotés établissements nord-américains ? Faut-il encore accepter que le recrutement de nos diplomates favorise statistiquement la reproduction d’élites administratives issues des milieux les plus conservateurs de la société française ? Redonner de l’excellence et de l’attractivité à la formation française en relations internationales, par exemple à l’ENA, n’est pas un truisme, ce doit être une priorité de notre stratégie d’influence. De même, diversifier le vivier de notre personnel diplomatique favorisera la renaissance intellectuelle de notre politique étrangère, meilleur rempart possible aux chimères du néo-conservatisme.
- Le facteur psychologique. Le sentiment collectif d’une puissance française menaçant ruine – que l’on rencontre fréquemment au sein de l’administration- provoque tantôt l’abattement des plus fatalistes, tantôt la fougue chevaleresque des adeptes du coup d’éclat permanent. En rejetant une France « frileuse et silencieuse », François Hollande fait sienne la casquette de l’hyper-diplomate et s’inscrit, ce faisant, dans la lignée de Guy Mollet ou de Nicolas Sarkozy en croisade à Suez et à Benghazi, plutôt que dans les pas du Général de Gaulle ou de François Mitterrand. Ces derniers avaient pourtant compris qu’une France écoutée était une France à l’écoute du monde, à l’abri des silences complices comme du hourvari inaudible des grandes puissances qui s’éteignent.
Aujourd’hui, il est de la responsabilité de ceux qui font la politique étrangère de la France (décideurs politiques, fonctionnaires) et de ceux qui la commentent (professeurs, journalistes) de porter un regard critique mais juste sur notre diplomatie. A cette France dogmatique et belliqueuse à l’œuvre depuis 2007, des voix nombreuses s’élèvent pour lui préférer une France forte de son engagement traditionnel pour la paix et lucide quant à ses moyens d’action. C’est par ce retour à une normalité, si chère au nouveau chef de l’Etat, que notre pays saura retrouver la singularité de sa place sur l’échiquier mondial.
Horace Bénatier, haut-fonctionnaire, maître de conférences en relations internationales
Le Monde du 12/09/12
Créé par sr07 le 13 août 2012 | Dans : Fédérations MRC d'Aquitaine, Gauche anti-libérale, Une autre mondialisation
COMMUNIQUE DE MARIE-FRANCOISE BECHTEL, VICE-PRESIDENTE DU MOUVEMENT REPUBLICAIN ET CITOYEN, DEPUTEE DE L’AISNE
En donnant des leçons à son successeur sur la Syrie , M. Sarkozy se croit encore aux années Bush, celles qui, à coup d’ingérences militaires, ont gravement déstabilisé le Moyen-Orient. Il est vrai qu’il a encore appliqué cette méthode en Libye, poussant à dépasser le mandat donné par l’ONU. On en voit le résultat : l’éclatement du pays et, par ondes de choc successives, la très grave déstabilisation de l’Afrique noire dont celle du Mali aux mains de groupes extrémistes et terroristes.
En Syrie, instruite par cette expérience désastreuse, la France devrait au contraire pousser à une solution politique, respectueuse du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il faut impérativement, avec les autres pays intéressés par l’avenir de la zone, apporter un appui à une solution négociée entre l’ensemble des forces syriennes, extrémistes exceptés. C’est aujourd’hui la seule voie pour tenter d’épargner au malheureux peuple syrien des souffrances pires et durables.
Oui, décidément , M. Sarkozy est bien mal placé pour faire la leçon.
Créé par sr07 le 22 mai 2012 | Dans : Pour une autre Europe, Une autre mondialisation
En écho au « printemps arabe », le mouvement des « indignés » (ou mouvement du 15-M), lancé à Madrid par le collectif Democracia Real Ya !, a vu le jour il y a un an.
Le 15 mai 2011, entre 20 000 et 50 000 personnes manifestent dans la capitale espagnole avant d’occuper la place Puerta del Sol pendant plus d’une semaine. Le rassemblement festif, sans leader et non violent, naît dans les ruines de la crise économique mondiale. Dans un pays, l’Espagne, très durement touché. Les revendications sont assez prosaïques : plus de diversité dans la représentation politique, plus de justice sociale et surtout moins de barrières à l’emploi pour une génération de jeunes diplômés qui souffrent (la « génération sacrifiée »).
Le mouvement fait des émules dans la plupart des capitales européennes. Les pays anglo-saxons connaissent à leur tour une poussée de fièvre : aux Etats-Unis, le mouvement Occupy Wall Street se constitue le 17 septembre
2011, s’étend à tout le pays et touche 70 villes une semaine plus tard. Idem à Londres où le rejet du monde de la finance – et son emprise sur l’économie – fédère pendant plusieurs mois des milliers de manifestants (Occupy London). Le 15 octobre marque l’apogée du mouvement avec la Journée internationale des indignés : plus d’un million de personnes défilent alors à travers le monde.
Initialement, c’est le livre d’un ancien résistant français, Stéphane Hessel, qui a mis le feu aux poudres : Indignez-vous ! [Indigène éditions, 2010], lu par plusieurs millions de lecteurs et traduit dans 27 langues.
Le mouvement des indignés souffle aujourd’hui (le 15 mai) sa première bougie. A Madrid, des centaines de manifestants ont refait le chemin jusqu’à la place Puerta del Sol et l’ont occupé malgré l’intransigeance de la police. Huit d’entre eux ont été incarcérés après l’évacuation de la place.
Lu dans Courrier international avec un article très recommandé par le blog citoyen « Le mouvement du 15 mai réveille la société civile » http://www.courrierinternational.com/article/2012/05/15/le-mouvement-du-15-mai-reveille-la-societe-civile
Commentaires fermés
Créé par sr07 le 17 mar 2012 | Dans : Articles de fond, Battre campagne, Une autre mondialisation
Par Régis Debray, écrivain et philosophe
Agis en ton lieu, pense avec le monde », conseillait l’écrivain Edouard Glissant. Agis pour l’emploi et le pouvoir d’achat, n’oublie pas l’arène planétaire. Que le ring électoral fasse si peu cas du grand large laisse pantois. Voir, à gauche, la bourrée auvergnate remplacer L’Internationale donne à penser que la jeune garde montante ne voit rien à redire, sur le fond, à la politique étrangère du sortant.
Atlantisme, européisme, ethnicisme et urgentisme caractérisent la diplomatie de nos défuntes années, d’une désastreuse banalité. Elle semble se fondre dans l’air du temps au point d’inhiber le vieux devoir d’examen au pays même de l’esprit critique.
L’alignement sur les Etats-Unis Nous voilà donc phagocytés, via la pleine réintégration dans l’OTAN, par une Sainte-Alliance qui n’a plus d’atlantique que le nom. Son actionnaire majoritaire, seul décideur en dernière instance, tend à se substituer aux Nations unies qu’il instrumentalise ou bien marginalise en tant que de besoin.
L’abandon symbolique de notre singularité de pensée et de stratégie avait un alibi : faciliter la construction du « pilier européen de l’Alliance ». Vaste blague. Les Européens n’en veulent pas (l’Est moins que quiconque), et les Etats-Unis non plus.
Amor fati (l’amour du destin) ? Certes, « interopérabilité » oblige, et tralalas aidant, le brain-wash des Etats majors est chose acquise et, entre la DGSE et la CIA, plus une feuille de cigarette. L’imprégnation coloniale des réflexes est telle que plus personne ne s’étonne de voir Nicolas Sarkozy mettre la main sur le coeur pour écouter La Marseillaise et Alain Juppé s’exprimer en anglais à l’ONU. Soit.
Mais, quand on se résigne à un rôle de supplétif, la glissade le long du toit débouche sur des catastrophes mal déguisées quoique prévisibles. Qu’il ait fallu dix ans à nos socialistes pour prendre leurs distances envers l’occupation militaire de l’Afghanistan, où l’inepte le dispute à l’inique, n’est pas de bon augure.
La superstition européenne Passons sur le rouleau compresseur du libéralisme exaspérant de Bruxelles. Le rêve s’est évanoui et la fuite en avant dans le fédéralisme, réflexe classique en histoire lorsqu’une belle cause périclite, ne ferait que précipiter le retour au chacun pour soi. Par-delà la désuétude d’un logiciel entre démo-chrétien et social-démocrate, qui donnerait des rides précoces aux enfants de Jacques Delors, ce qui agonise, c’est la grande illusion selon laquelle il revient à l’économie de conduire la politique, et à une monnaie unique d’engendrer un peuple unique.
Comment passe-t-on d’une inscription administrative (le passeport européen) à une allégeance émotionnelle ? Pourquoi un habitant de Hambourg accepte-t-il de se serrer la ceinture pour un habitant de Dresde, mais non pour un Grec ou un Portugais ? Le cercle des économistes n’a pas ici compétence. La réponse à la question première, qu’est-ce qu’un peuple ?, relève de l’histoire, de l’anthropologie, de la géographie et de la démographie, voire des sciences religieuses, dont les adeptes, pour leur malheur et le nôtre, ne hantent pas le dîner du Siècle.
Puisqu’un concert suppose un chef d’orchestre, avec ou sans podium – la Prusse pour le Reich allemand ou le Piémont pour l’unité italienne -, il est normal, si l’époque est à l’économie, que l’Allemagne tienne la baguette. Le vrai problème pour nous, c’est l’engluement dans une géographie mentale en peau de chagrin où une mappemonde avec 195 capitales se réduit à deux clignotants, Berlin et Washington. L’alibi selon lequel la France n’est plus de taille valait-il cette autopunition masochiste : se faire couper le sifflet par un ectoplasme sans voix comme l’Europe des commissaires ? Celle-ci est grasse et grande mais sans vision ni dessein, inexistante à l’international (et notamment aux yeux des présidents américains) et sans ancrage dans les coeurs.
Qui célèbre en Europe le jour de l’Europe ? Qui entonne l’hymne européen – l’Ode à la joie n’a pas de parole ? Qui s’intéresse à son Parlement, hormis les professionnels de la profession ? Un falot pour éteindre nos Lumières ? Un comble !
Le marketing communautaire Comment un exécutif qui fait sa cour à nos diverses minorités religieuses ou ethniques pourrait-il faire prévaloir l’intérêt à long terme d’un pays et d’une vision du monde ? S’il n’y a jamais eu de mur étanche entre l’intérieur et l’extérieur, chacun sait, depuis François Ier, que c’est en isolant au mieux le géo-stratégique du domestique qu’on agit à bon escient. Ce n’est plus le premier ministre, mais le chef de l’Etat qui se rend aux convocations dînatoires du Conseil représentatif des institutions juives de France.
Notre Zorro s’empresse auprès de la communauté arménienne, soutenu par des députés qui se prennent pour des représentants de leur seule circonscription, quand ils le sont de la nation. On flatte la communauté pied-noire pour chanter le positif de la colonisation. Et qui sait si demain quelque instance arabo-musulmane ne nous enjoindra pas de rectifier la position sur Israël ?
Minable méli-mélo tiraillant à hue et à dia. Le modèle américain joue comme leurre : la mosaïque multi-minoritaire d’outre-Atlantique est transcendée par un patriotisme messianique, adossé à un Dieu confédéral, ce que ne permet pas, en France, notre assèchement mythologique.
Le diktat de l’instant Papillonnante et télécommandée, une diplomatie de postures et de « coups » (de gueule, de bluff et de menton), sous projecteurs et sans projection, sied autant à l’ère du zapping qu’à un autodidacte ayant plus de nerf que d’étoffe. Ecervelée, cette façon de coller au fait divers et à la compassion du moment met immanquablement en retard sur les tendances et flux de la mouvante histoire.
Dialoguer avec l’ANC de Mandela, dans les années 1970, vous faisait déjà passer pour un idiot utile. Prendre contact avec les Frères musulmans ou une organisation chiite vous faisait, ces dernières années, regarder de travers. Un suspect devient un interlocuteur quand il a pris le pouvoir – jamais avant. Et il faut un séisme ou un tsunami pour inscrire un pays – Haïti, Indonésie ou Japon – sur l’écran-radar, d’où il disparaîtra une semaine après.
Qu’une direction élyséenne aussi frelatée ait pu mettre à son service nombre de vedettes « socialistes » ne s’explique pas par un humain désir de gyrophares, huissiers et caméras : à ces appétits charnels s’ajoutait sans doute une communauté de vues plus spirituelle. Supériorité intrinsèque de la civilisation occidentale, seule détentrice de principes moraux universels ; fascination pour les media-events tels que ces sommets aussi rutilants qu’inutiles ; mépris des experts et des compétences géopolitiques du Quai d’Orsay, au bénéfice de BHLeries aussi frivoles que contre-productives ; culte du « réactif » (agir sans anticiper ce qui résultera de son action) et des vanités d’image, au détriment d’un sens élémentaire de l’Etat. Ces conformismes sont à haut risque. Ils se payent par l’évanescence de nos politiques spatiales, aussi bien européenne qu’arabe, latino-américaine et asiatique.
Au lieu du rebattement de cartes qui s’impose, c’est la benoîte reconduction d’un train-train provincial et crépusculaire que fait craindre le mutisme socialiste. Quitte à ripoliner sa godille avec des grands mots qui chantent plus qu’ils ne parlent : « les droits de l’homme » (couverture impeccable, comme l’Evangile sous l’Ancien Régime), « la communauté internationale » (un Directoire représentant 20 % de la population mondiale) ; « la gouvernance mondiale » (la Cité calquée sur l’entreprise) ; « la Démocratie » avec majuscule (laquelle, de Périclès à la reine Victoria, admet le massacre des âmes et des corps barbares).
Présentera-t-on ces idées faibles, quand on les regarde de près, en idées-forces pour avaliser un business as usual ? Ce serait sympa mais casse-gueule. Une politique qui prolonge le boy-scoutisme par d’autres moyens (les ONG humanitaires en bras subventionné du Bien) déguise le jeu cru des intérêts mais rend celui-ci encore plus cruel. Aristide Briand a plus de charme que Clausewitz, mais on sait sur quoi a débouché la diplomatie des lacs de l’entre-deux-guerres – juin 1940.
Rappelons-nous que les interdépendances dérivant de la mondialisation exaspèrent les identités nationales et religieuses au lieu de les éteindre. Le monde qui découvre qu’il fait un ne s’unifie pas pour autant : l’Europe compte seize Etats de plus qu’en 1988. Dire oui à la paix et non aux nations, ignorer les Etats pour défendre les individus, c’est ignorer combien il en coûte d’humilier un peuple et que, partout où la puissance publique s’efface, triomphent l’ethnie, les mafias, le FMI et les clergés. Soit la guerre de tous contre tous.
Le pire n’est pas toujours sûr. L’envisager comme possible pourrait servir de garde-fou.
Article publié dans Le Monde du 15/03/2012
Né à Paris en 1940, Régis Debray participa aux guérillas d’Amérique latine et fut emprisonné en Bolivie (1967-1971). Il se consacra ensuite à la littérature avant d’être chargé de mission auprès du président Mitterrand pour les relations internationales (1981-1985). Créateur de la revue « Medium » en 2005, il est entré à l’académie Goncourt en 2011. Il publie « Rêverie de gauche » (Flammarion, 103 p., 10 €)
Régis Debray, écrivain et philosophe